L’avis du CHSCT doit procéder d’une délibération et non d’un simple tour de table

L'avis du CHSCT ne peut résulter que d'une décision prise à l'issue d'une délibération collective et non de l'expression d'opinions individuelles de ses membres. Un simple tour de table en fin de réunion ne peut suffire.

La loi est peu précise à propos des règles de fonctionnement du CHSCT

Le code du travail est peu disert à propos du fonctionnement du CHSCT. En effet, si l’article L. 4614-2 du code du travail dispose que « les décisions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail … sont adoptées à la majorité des membres présents … », aucune disposition légale ou règlementaire n’impose une forme particulière à l’avis que doit donner le CHSCT. En s’en tenant à la seule lecture du code du travail, un employeur, comme en l’espèce, peut donc très bien considérer que « cet avis peut prendre la forme d’un tour de table au cours duquel chacun de ses membres exprime son avis ».

Pourtant, le juge ne l’entend pas de cette oreille. Il considère que l’avis qu’un CHSCT doit exprimer à l’issue d’une consultation doit procéder d’une délibération.

En l’espèce, l’employeur projetait de modifier les horaires de travail d’une partie des salariés. Il devait donc consulter, et le CHSCT, et le comité d’entreprise. Ce dernier jugeant que le CHSCT n’avait pas valablement donné son avis sur le projet patronal, avait saisi le juge des référés (juge de l’urgence) d’une demande de suspension de la mise en œuvre du projet de modification des horaires. Il considérait qu’il ne pouvait lui-même donner son propre avis de CE, celui-ci étant conditionné par l’avis du CHSCT.

Le juge donna raison au CE. Il annula la procédure d’avis du CHSCT parce qu’elle ne procédait pas d’une délibération et par là même celle du CE qui ne pouvait donner son avis tant que celui du CHSCT n’était pas régulier.

 Que doit-on entendre par « l’avis doit procéder d’une délibération » ?

Une délibération se définit comme un processus décisionnel précédé par une discussion(1) ou un débat(2). En d’autres termes, une délibération est un moment obligé d’échange et de confrontation d’opinions que l’on retrouve dans la procédure d’avis du comité d’entreprise, telle qu’elle est décrite à l’article L. 2323-4 du code du travail : « pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d’entreprise dispose … d’un délai d’examen suffisant et de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations ».

Le choix par la chambre sociale dans l’arrêt rapporté d’employer le terme « délibération », constitue donc bien l’indice d’une volonté d’assimiler la procédure d’avis du CHSCT au modèle légal prévu pour le comité d’entreprise, c’est-à-dire l’article L. 2323-4 cité ci-dessus.

Pouvait-il en être autrement ? Nullement dans la mesure où le CHSCT est une personne morale dotée d’un trait de caractère bien particulier, qui caractérise également la personnalité du comité d’entreprise : la dichotomie de sa composition. Le Président représente l’employeur, la délégation du personnel les salariés, cette dernière étant elle même souvent traversée par des courants de pensées contraires.

En conséquence, si les décisions du CHSCT doivent, comme pour toute personne morale, résulter d’un vote, les différents intérêts composant cette institution représentative du personnel, imposent logiquement que ses avis procèdent d’une délibération, autrement dit d’une discussion au cours de laquelle les différents points de vue pourront se confronter avant qu’une décision ou une résolution ne soit arrêtée.

Réforme des visites médicales de reprise

Le gouvernement a modifié les règles applicables en matière de visite de reprise en cas de maladie ou d’accident, réduisant gravement la protection des salariés malades. A compter du 1er juillet 2012, l’employeur a l’obligation d’organiser une visite médicale de reprise : comme auparavant en cas de congé

maternité ou de maladie professionnelle, sans durée d’absence particulière ; en cas d’accident du travail du salarié dès lors qu’il a été absent au moins 30 jours contre 8 actuellement ; en cas d’accident ou de maladie non professionnelle du salarié dès lors qu’il a été absent au moins 30 jours contre 21 jours actuellement ;

en cas d’absences répétées, la visite médicale de reprise est supprimée.

Décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012

1/ Consultation et expertise du CHSCT : le projet soumis aux représentants du personnel doit être important et de nature à modifier les conditions de travail

Pour certains CHSCT, l’expertise est devenue un instrument efficace, mais détourné de sa finalité, pour créer ou entretenir un climat social délétère permettant de suspecter des risques psycho-sociaux derrière tout projet patronal soumis à leur avis. On se gardera toutefois, de généraliser cette réalité propre, il faut le souligner, à une minorité d’entreprises.

Toujours est-il, que le juge, plus souvent saisi aujourd’hui qu’auparavant d’actions en contestation de désignation d’expert, a pris conscience du risque d’instrumentalisation de ce droit, comme l’attestent certaines décisions très récentes ayant refusé l’intervention d’experts.

Une expertise est légitime lorsque le projet patronal modifie de façon importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail

Rappelons au préalable, que la loi prévoit deux hypothèses de recours à un expert par le CHSCT :

·         Lorsqu’un risque grave révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle est constaté dans l’établissement, nous n’aborderons pas dans le cadre de cet article cette hypothèse ;

·         En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. C’est dans le cadre de cette seconde hypothèse que la jurisprudence dont nous voulons faire état, est intervenue.

Comme on peut s’en douter, c’est à l’évidence, l’adjectif « important » qui prête à interprétation. Qu’est-ce qu’un projet important ? Quels critères adopter pour apprécier cette importance qui justifie la désignation d’un expert, sachant qu’il existe deux acceptions de l’importance ?

L’une caractérise une quantité, elle suppose la mesure d’une chose : une somme d’argent ou pour prendre un autre exemple qui concerne d’avantage notre sujet, un effectif de salariés. L’autre attribue de la valeur à quelque chose ou quelqu’un.

Concernant notre hypothèse, la première acception peut éventuellement influencer la conviction du juge, mais en ce cas, l’élément chiffré est retenu seulement comme une donnée parmi d’autres. La Cour de cassation a notamment jugé que « le nombre de salariés concernés ne détermine pas à lui seul l’importance du projet » en cause (1). L’importance n’est donc pas évaluée quantitativement, ce qui ne peut surprendre, tant il est difficile sinon impossible de mesurer l’importance d’un projet patronal. En effet, quelle unité de mesure employer ?

C’est donc la seconde acception qui est retenue par la Cour de cassation. Dans un arrêt du 8 février 2012 (cass. soc. 8 février 2012, n° 10-20376) la Cour a ainsi dénié à un CHSCT le droit de désigner un expert, considérant que le projet de l’employeur qui consistait à déployer de nouveaux logiciels et à fournir aux consultants intervenant dans les entreprises clientes des ordinateurs portables, ne provoquait pas de modifications importantes sur les conditions de travail des salariés « en termes d'horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition ».

Dans un précédent arrêt en date du 4 mai 2011, la chambre sociale avait employé la même formule pour refuser au CHSCT d’un magasin appartenant à une société d’hypermarchés le droit de désigner un expert. Elle avait ainsi jugé qu’aucun des deux projets ayant été présentés aux représentants du personnel, n’avait « de répercussion importante sur les conditions de travail de ces salariés en termes d’horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition » (2).

Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation fournit une esquisse de sa méthode d’appréciation de l’importance du projet patronal. Celle-ci doit permettre de répondre à la question : le projet a-t-il des répercussions concrètes sur les conditions de travail des salariés appréciées grâce à un faisceau d’indices : horaires, tâches ou moyens mis à disposition des salariés pour travailler ?

Ce faisceau d’indices qui s’enrichira probablement au fil des décisions rendues, doit ainsi permettre d’évaluer concrètement l’importance du projet litigieux, grâce au filtre de la comparaison chronologique avant/après (3) des conditions de travail,.

En revanche, lorsque le CHSCT n’apporte pas d’éléments permettant au juge de se poser la question des répercussions concrètes sur le projet soumis à l’avis des représentants du personnel, celui-ci refuse alors de qualifier le projet de l’employeur d’important. Ainsi en a-t-il été jugé de l’introduction d’une version améliorée d’un logiciel déjà en application dans les unités d’interventions, le CHSCT estimant, en l’espèce, qu’il existait « un risque de sous-traitance rampante du métier de chargé d’affaire » (4). L’incidence du projet sur les conditions de travail n’étant pas avérée, mais seulement hypothétique, les conditions de désignation d’un expert n’étaient donc pas remplies, car la finalité de l’expertise est bien d’analyser les répercussions du projet sur les conditions de travail et non de démontrer que celui-ci est suffisamment important pour justifier une expertise.

Cette nouvelle jurisprudence permet aussi un autre regard sur le rôle et les missions du CHSCT

Le développement des risques psycho-sociaux dans l’entreprise et la conjugaison depuis 2002 de la santé des salariés au mode mental, constituent, on le sait, les principales raisons de la montée en puissance des CHSCT et de l’extension de leur champ d’action qui, à l’origine il faut le rappeler, était limitée aux décisions patronales visant l’organisation « matérielle » du travail (5).

Cette extension ne peut cependant pas être sans limite. Comme l’a déjà jugé, le Tribunal de Grande Instance de Versailles, le CHSCT ne dispose pas d’un « droit discrétionnaire qui lui permettrait d’exiger d’être consulté et de faire appel à un expert pour tout projet de réorganisation au motif que tout projet génère nécessairement une inquiétude des salariés » (6).

A cet égard les arrêts précités du 8 février 2012 et du 4 mai 2011 (voir supra) présentent un intérêt particulier. Le faisceau d’indices sur lequel s’appuient ces décisions permet ainsi d’une part, d’apprécier l’importance du projet et d’autre part, de réactiver le tropisme originel du CHSCT vers les conditions de travail envisagées d’un point de vue concret (horaires, tâches moyens mis à disposition des salariés), sans néanmoins, nier que celles-ci doivent aussi, depuis 2002, être appréciées à travers le prisme de la santé physique et mentale.

En d’autres termes, si, comme on a pu le soutenir, le CHSCT aujourd’hui « s’invite dans les opérations économiques » (7), les débats se déroulant en son sein ne peuvent et ne doivent pas pour autant avoir un caractère économique. Les échanges de cette nature doivent être réservés au comité d’entreprise qui demeure l’institution compétente en la matière.

On soutiendra même que l’occurrence d’une redondance consultative (comme on le constate souvent et malheureusement en pratique) entre les deux institutions représentatives, doit, de notre point de vue, absolument être évitée, au risque d’appauvrir l’ensemble des débats et de ne concevoir la consultation du CHSCT que comme une formalité supplémentaire.

 

Fabrice Signoretto

Newsletter n°28 - Mai 2012

 

Précisions sur un risque grave motivant une expertise CHSCT

La demande d'expertise d'un CHSCT ne peut pas reposer seulement sur un fait isolé, estime la cour de cassation. Le risque grave n’est, en effet, pas avéré.

Le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société C … a, par une délibération du 10 septembre 2008, décidé de faire appel à un expert agréé.

Cette demande d’expertise était motivée par l'existence d'un climat de stress généralisé consécutif à un événement isolé ayant conduit à ce que les services de police procèdent dans les locaux de l'établissement à une fouille d'une caissière.

Pour le juge, l’événement ne caractérisait pas à lui seul un risque grave comme le prévoit l'article L.4614-12-1 du code du travail qui dispose que le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement.

La demande d’expertise a donc été considérée comme infondée par les juges.

Cour de cassation, 10 Mai 2012, n°10-24.878

Ce que soulignent ici les juges, c'est « qu'un mode de management appliqué à tout le personnel peut donner lieu à des débordements à l'égard d'un salarié dont la réalité s'apprécie par rapports aux conséquences réelles sur la santé du salarié ».

 

  Une déléguée pharmaceutique est licenciée pour inaptitude.

Elle conteste le bien-fondé de son licenciement, considérant que son inaptitude a été provoquée par le harcèlement moral dont elle avait été victime de la part de la directrice régionale sous l'autorité de laquelle elle était placée. Comme preuve, elle fournit la lettre de licenciement de son ancienne directrice, licenciée après elle.

Cette lettre fait état de propos injurieux tenus par l’ex directrice régionale, voici les termes de la lettre de licenciement de cette directrice :  " Nous vous notifions votre licenciement motivé par votre attitude générale incompatible avec les fonctions d'une directrice de région ... en réponse aux questions et attentes de votre équipe, vous avez adopté un comportement agressif et dévalorisant qui se traduisait, notamment, par la profération de propos tels que «vous me faites chier», «cela ne pourra jamais marcher avec vous car je ne vous ai pas choisis et je ne vous ai donc pas formés à mon image», la déresponsabilisation, notamment en invitant régulièrement les délégués pharmaceutiques à s'adresser à la direction, ... vos pratiques managériales, non conformes aux valeurs de notre entreprise, se traduisaient non seulement par des propos dévalorisants et vulgaires ("c'est un travail de merde", «sortez-vous les doigts du cul et "allez bosser"») mais aussi par l'instauration d'une mauvaise ambiance de travail au sein de votre équipe"...

Dans un premier temps, l’ex déléguée pharmaceutique est déboutée en appel au motif qu' « elle n'établissait par aucune pièce des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement. » Selon le juge d’appel, il ne pouvait être déduit de la lettre de licenciement une reconnaissance par l'employeur de faits de harcèlement.

Dans un deuxième temps, la Cour de cassation « casse et annule » la décision de la Cour d’appel, et conclut un cas de harcèlement moral en rappelant l’arrêt du 10 novembre 2009 : « les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique (…) peuvent caractériser un harcèlement moral ».

Cour d’appel de Nancy, 22 juin 2011, n°10-01818 Cour de cassation, 29 septembre 2011, n° 10-12.722

 


Actusapie
est la publication mensuelle de notre organisation. vous y retrouverez les nouveautés législatives et les jurisprudences essentielles, ainsi que des analyses et des rappels permettant d’exercer efficacement le rôle de représentant du personnel.

Voir toutes les Actusapie

Responsables Nationaux

  gerard fourmal

Gérard Fourmal

Président du syndicat national
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Tél. : 06 89 85 45 33
  jean marc montdesir

Jean –Marc MONDESIR

Secrétaire général

Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Tél. : 0658758022