Sommaire :

1/licenciement pour insuffisance professionnelle

2/ lanceur d’alerte

 

1/licenciement pour insuffisance professionnelle

 

L’insuffisance professionnelle est ce qu’on appelle un motif « objectif », par opposition aux fautes du salarié.

C’est l’incapacité du salarié à effectuer son travail de manière satisfaisante pour son employeur. L’employeur doit prouver :

  • que les autres salariés parviennent à effectuer leur travail correctement,
  • qu’il a donné au salarié les moyens de réaliser ses tâches,
  • qu’il a laissé au salarié le temps nécessaire pour s’adapter à son poste de travail, faire ses preuves.

 L’insuffisance de résultat fait partie de l’insuffisance professionnelle, le salarié n’atteint pas les objectifs, le chiffre d’affaires qui lui est demandé.

 L’insuffisance professionnelle en 2023 recoupe :

Les négligences du salarié.

« L’insuffisance professionnelle consiste en l’incapacité du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle résulte des échecs, des erreurs ou autres négligences imputables au salarié, sans pour autant revêtir un caractère fautif… » Cour d’Appel d’Amiens 19 mai 2022 RG n°20/05922.

 

Sur une période suffisamment longue pour être prise en compte.

« (Elle) doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d’une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l’employeur… » Cour d’Appel d’Amiens 19 mai 2022 RG n°20/05922.

 Quand les moyens nécessaires ont été donnés par l’employeur au salarié

« Il doit être tenu compte de l’ensemble de son activité… l’employeur ne peut invoquer l’insuffisance professionnelle que si tous les moyens ont été donnés au salarié pour qu’ils puissent faire ses preuves » Cour d’Appel d’Amiens 19 mai 2022 RG n°20/05922.

 Le jugement de l’employeur doit être objectif, son appréciation complète et concrète.

« L’appréciation de cette insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l’employeur… mais qui doit s’appuyer sur des faits objectifs précis et vérifiables imputables au salarié… si la preuve est partagée… il incombe à l’employeur d’apporter au juge des éléments objectifs à l’appui des faits qu’il invoque » Cour d’Appel d’Aix-en-Provence 6 mai 2022 RG n°18/18464.

« Entrent en ligne de compte la qualification professionnelle, l’ancienneté de services, les circonstances de l’engagement, les relations antérieures » Cour d’Appel de Rouen Chambre sociale, 5 mai 2022 RG n°19/03903.

« L’incompétence alléguée doit cependant reposer sur des éléments concrets (non subjectifs)… » Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 9, 20 avril 2022 RG n°19/02264.

 L’insuffisance de résultat c’est lorsque les objectifs non réalisés sont réalistes donc réalisables.

« L’insuffisance de résultats pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque… les objectifs (du salarié) présentent un caractère réaliste et correspondent à des normes sérieuses et raisonnables » Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 9, 20 avril 2022 RG n°19/02264.

 Ce que les juges retiennent pour l’insuffisance professionnelle 

 Cour d’Appel de Lyon 18 mai 2022 RG n°19/04548

Un Responsable Développement Loisir Cadre embauché en 2011 fait l’objet 5 ans plus tard d’un rappel à l’ordre suivi 5 mois plus tard d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.

 La cour observe l’absence de critique antérieure de l’employeur :

  • Le dernier entretien d’évaluation « ne rend pas compte d’insuffisances professionnelles, mais exprime au contraire la confiance du manager … », « l’évaluation chiffrée des compétences techniques est rigoureusement identique à l’année précédente … à un niveau conforme aux attentes » ;
  • le salarié « n’a fait l’objet d’aucune observation lors de la présentation de ses résultats 2015… » ; « Le rappel à l’ordre… constitue une rupture par rapport aux évaluations annuelles ».

Une insuffisance professionnelle « insuffisamment» établie par l’employeur. Sur la dégradation des résultats, la comparaison faite par la société « ne porte pas sur l’ensemble des indicateurs mais uniquement certain d’entre eux ».

 

Un écart de résultat insuffisant. « Si l’objectif de 80% n’a pas été atteint (par le salarié) il en est très proche et ne permet pas de caractériser un écart significatif» ;

Des témoignages contradictoires et manquants transmis par l’employeur

  • qui : « Expriment des points de vue personnels subjectifs non circonstanciés, voire contradictoires sur le caractère (du salarié) qui ferait preuve à la fois d’autoritarisme et d’un défaut de réactivité » ;
  • « Le réseau d’intervention (du salarié) comportait 35 points de ventes et autant de Directeurs d’agences et Agents de voyage animés par le salarié, lesquels ne se sont manifestement exprimés » ;
  • L’employeur « ne produit aucune évaluation ou observation antérieure à janvier 2015, n’explique pas comment la salariée a pu donner satisfaction à son employeur pendant les 4 années précédentes ».

Cour d’Appel de Nîmes 10 mai 2022 RG n°19/01272.

 Un salarié Chargé d’Affaire Aménagements Intérieurs engagés en 2011 fait l’objet d’un licenciement pour insuffisance de résultat en novembre 2015 : essentiellement une baisse de son chiffre d’affaires sur 2 secteurs.

Pour les Juges l’insuffisance professionnelle n’est pas établie car :

  • Les pièces ne sont pas exploitables.
  • Le travail du salarié n’a pas été critiqué avant son licenciement
  • La baisse de résultat affecte tous les salariés : le salarié justifie d’une baisse du chiffre d’affaires affectant tous ses collègues salariés commerciaux
  • Le salarié est en surcharge de travail ce dont l’employeur avait conscience
  • L’employeur ne prouve pas avoir donné les moyens nécessaires au salarié pour atteindre son objecti

En conclusion : « la société ne rapporte pas la preuve dont elle supporte la charge de l’imputabilité de la baisse du chiffre d’affaires (du salarié) et ainsi son insuffisance professionnelle ».

 

2/lanceur d’alerte  



Un lanceur d'alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime (Infraction la plus grave punissable par une peine de prison homicide volontaire ou viol par exemple), un délit (Acte interdit par la loi et puni d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement inférieure à 10 ans), une menace ou un préjudice pour l'intérêt général. Il peut également s'agir d'une violation ou une tentative de dissimulation de cette violation d'un engagement international de la France.
Lorsque les informations n'ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles, le lanceur d'alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.
Ce statut, reconnu depuis 2007, a vu son régime évoluer afin de permettre une plus grande protection de ces personnes. Le 21 mars 2022 le législateur promulgue une nouvelle loi visant à étendre leurs régime de protection ainsi que celui des tiers (loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, JO, 22 mars)

 Extension du régime de protection des lanceurs d’alerte

L’article 2 de la loi étend maintenant la protection des lanceurs aux mesures de rétorsion en l’appliquant maintenant aux :

  • Personnes ayant aidé les lanceurs d’alerte à divulguer l’information : cela peut être des personnes morales à but non lucratif, donc des associations, organisations syndicales et aussi CSE,
  • Les personnes proches du lanceur d’alerte ( famille, collègue etc)

     Réduction de la responsabilité des lanceurs d’alertes en cas de dommages et extension de la protection

    Avant, les lanceurs d’alertes pouvaient voir leur responsabilité civile engagé en cas de dommage causés par la révélation des actions ou des informations. Dorénavant, les lanceurs d’alerte ne sont plus également responsables en cas de dommages occasionnés par la divulgation des informations si :

Les dommages n’ont pas été causés de manière intentionnelle

la divulgation était nécessaire au bien commun ( dans l’intérêt général )

De plus, Ils ne seront pas plus pénalement responsables lorsqu’ils soustrairont, détourneront ou recèleront les documents ou tout autre support contenant les informations dont ils auront eu connaissance de manière licite et qu’ils signaleront ou divulgueront dans les conditions prévues par la loi.
Enfin, la loi complète la liste des motifs de discrimination interdits. L’employeur ne pourra pas prendre à l’égard de son salarié une mesure ou une décision discriminatoire fondée sur sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, sous peine de nullité de la mesure (C. trav., art. L. 1132-1 et L. 1132-4).

 En matière de harcèlements

Au-delà des victimes, la protection renforcée inclut dorénavant les personnes ayant «ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements »de harcèlement moral ou sexuels(L. 1152-2 et L. 1153-2 du code du travail modifiés). De plus, la Loi instaure :

Une absence de responsabilité civile des dommages causés du fait du signalement des faits de harcèlement (même condition que ci-dessus )

Un régime de la preuve favorable à la personne dénonçant les faits. La personne doit simplement apporter des informations: « laissant supposer l’existence

d’un harcèlement ». Il incombera alors a l’employeur d’apporter les preuve du contraire.

La possibilité de contraindre l’employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant dénoncé les faits

Une amende civile et peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée en cas d’action judiciaire lancée contre la personne dénonçant des faits de harcèlement.

 En matière environnementale

Devient un lanceur d’alerte celui qui divulgue des informations ou actions qui mettent en danger l’environnement. Le régime de protection lui est appliqué de la même manière (C. trav., art. L. 4133-1 et L. 4133-2 modifiés).

 Mise en place de procédures internes et rôle du CSE

Le législateur rend obligatoire pour l’employeur de prévoir les procédures permettant de protéger les lanceurs d’alertes. Ainsi, les entreprises d’au moins 50 salariés devront compléter leur règlement intérieur pour y inscrire l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte mis en place. (C. trav., art. L. 1321-2)

Le CSE doit alors s’assurer lors de sa consultation (obligatoire pour mémoire) sur ce document que le règlement intérieur de l’entreprise contient des dispositions visant à protéger les lanceurs d’alerte.

De plus, En application de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, la procédure de signalement des alertes et la protection des lanceurs d'alerte sont précisées et renforcées. Dans ce cadre, les entreprises d'au moins 50 salariés sont tenues d'établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, après consultation du comité social et économique, dans les conditions fixées par le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022.